Emploi

Stages non rémunérés : critères et réglementations à connaître

308 heures. C’est le chiffre qui fait basculer un stage du simple « coup de main » au statut encadré, gratifié, reconnu. Mais chaque année, des milliers d’étudiants passent sous ce seuil, oscillant entre découverte professionnelle et main d’œuvre déguisée. Derrière la frontière administrative, la réalité des stages en entreprise brouille souvent les pistes, et oblige à soulever le capot des textes pour saisir ce qui relève vraiment de la formation… ou du travail dissimulé.

La législation sur les stages évolue régulièrement, chamboulant les repères des étudiants comme des employeurs. Les conventions signées entre écoles, universités et entreprises fixent les règles du jeu, mais la frontière entre apprentissage et exploitation reste parfois ténue. Trop de structures profitent encore des failles, confiant à un stagiaire des tâches quasi identiques à celles d’un salarié, sans rémunération ni véritable encadrement. L’arsenal juridique existe, mais encore faut-il savoir l’utiliser.

Stages non rémunérés : ce que dit la loi aujourd’hui

Le cadre est clair : le code de l’éducation impose une convention de stage tripartite pour tout étudiant souhaitant effectuer une période de formation en entreprise. Étudiant, structure d’accueil et établissement d’enseignement signent ce contrat, qui détaille les missions, la durée, la présence, le rôle du tuteur et l’enseignant référent. Rien ne doit être laissé au hasard : c’est cette convention qui protège le stagiaire et délimite la relation avec l’entreprise.

Pour ce qui est de la gratification, la règle est stricte : obligatoire uniquement à partir de deux mois complets (ou 308 heures) de présence, et ce, même si le stage est fractionné sur l’année. En deçà, aucune rémunération n’est requise légalement, quitte à ce qu’un stagiaire exécute des missions proches de celles d’un salarié, la loi ne bronche pas. Cette brèche alimente les débats et nourrit la frustration chez les étudiants, qui peinent à distinguer expérience formatrice et emploi déguisé.

La vigilance doit rester de mise lors de la signature de la convention de stage. Outre les dates et le volume horaire, elle doit préciser le référent pédagogique et le tuteur en entreprise. Sans cette convention, aucun stage ne peut être reconnu, aucune mission ne doit être acceptée. Les offres publiées hors de ce cadre, ou sans convention officielle, s’affranchissent tout simplement de la légalité.

Voici les principales limites fixées par la loi :

  • Un stage dans une même entreprise ne peut dépasser six mois sur une année universitaire.
  • La loi autorise le fractionnement, à condition que les missions pédagogiques restent cohérentes avec le cursus.
  • L’organisme d’accueil doit intégrer le stagiaire à la vie de l’entreprise, mais il lui est interdit de lui confier des tâches permanentes normalement réservées à un salarié.

Quels critères déterminent l’obligation de gratification ?

Tout repose sur la durée. Dès que le stagiaire accomplit plus de deux mois de présence effective (308 heures) sur l’année universitaire, l’entreprise ou l’organisme d’accueil doit verser une gratification. Ce seuil s’applique aussi bien aux stages dans le public que dans le privé, en France ou à l’étranger, dès lors que le droit français encadre la convention.

En 2024, la gratification minimale s’élève à 4,35 euros de l’heure, soit 15 % du plafond horaire de la Sécurité sociale. Ce montant constitue un plancher : rien n’empêche une entreprise d’aller au-delà, mais impossible de descendre en dessous.

Les différents cas de figure se présentent ainsi :

  • Stage de moins de deux mois : aucune gratification prévue par la loi.
  • Stage au-delà de deux mois : versement obligatoire, calculé sur la base des heures réelles effectuées.
  • Stage fractionné : dès que le total cumulé dépasse 308 heures, la gratification devient due à partir de la 309e heure.

Attention, seules les heures de présence effective sont prises en compte : les absences injustifiées sont exclues du calcul. En revanche, les congés autorisés par la convention ou les arrêts maladie rentrent bien dans le décompte. Aux entreprises de s’assurer d’un suivi précis, sous peine de sanctions si elles tentent de contourner la règle.

Jeune homme discutant avec un professionnel dans le hall

Employeurs et stagiaires : droits, devoirs et recours en cas de litige

La convention de stage demeure le socle de la relation entre le stagiaire, l’entreprise et l’établissement d’enseignement. Ce document doit être signé avant toute prise de poste, et détaille la durée, les missions, les modalités de présence, le suivi pédagogique, ainsi que les droits à congés et absences autorisées. Le statut du stagiaire reste particulier : il n’a pas de contrat de travail, mais bénéficie d’une couverture sociale obligatoire. En cas d’accident du travail, c’est le régime général de la sécurité sociale qui s’applique.

Ce cadre social varie selon la durée du stage, la gratification perçue et la situation personnelle du stagiaire, qu’il soit étudiant, apprenti ou en reconversion. Si un problème survient (accident, maladie professionnelle, litige sur la gratification ou les missions), l’assurance maladie et l’établissement d’enseignement sont les premiers recours. S’appuyer sur la convention n’est pas une option : c’est la meilleure arme pour faire valoir ses droits et rappeler à l’ordre toute entreprise tentée de jouer avec les limites.

Le stage, ce n’est pas juste une ligne sur un CV. C’est parfois la première immersion dans le monde du travail, et la première occasion de défendre ses droits. Connaître le cadre et l’exiger, c’est refuser de rester dans l’ombre. Demain, la frontière entre formation et exploitation ne tiendra qu’à la vigilance de chacun. Qui tiendra la plume du prochain chapitre ?